L’Ape musicale

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La vie continue, la boucle est bouclée

par Susanne Krekel

Munich, le 12 février 2022 - Dans cette nouvelle production, Barrie Kosky prend le contre-pied des metteurs en scène qui essaient d’expliquer les symboles de certaines pièces au caractère fantastique, ne laissant aucune place à l’imagination du spectateur, le privant ainsi de toute magie. Au lieu d’habiller les chanteurs en animaux et de montrer des images idylliques de la nature, il leur laisse leur peau humaine. Pour les images de la forêt, Michael Levine a créé de magnifiques rideaux scintillants en noir et argent, qui vont tour à tour prendre l’aspect de la nuit, de la pluie…

La représentation commence dans le noir total, même la fosse d’orchestre n’est pas illuminée et la cheffe d’orchestre peut donc faire son entrée discrètement, sans applaudissements. La musique commence et sur scène c’est le début de l’aube. Nous apercevons un groupe de personnes, une tombe est remplie, et le garde-chasse remercie l’assemblée. Évidemment, c’est lui qui a perdu un proche. Bien que nous ne sachions pas de qui il s’agit, pour nous, ce personnage est dorénavant associé maintenant à l’idée du deuil. Les rideaux magiques descendent et scintillent et le garde-chasse est dans la forêt, et il s’allonge pour faire un petit somme. Lors de son réveil, il attrape la petite Renarde et la ramène à la maison. Elena Tsallagova interprète la Renarde de manière stupéfiante. Habillée d’une petite robe d’été légère, cheveux noirs flottant sur ses épaules, douée d’une voix ronde et pleine, elle saute, elle danse et chante, l’image même de l’innocence juvénile. Chez le garde-chasse, la Renarde va rencontrer les animaux de la ferme, la femme du garde-chasse va la persécuter sous prétexte qu’elle a des puces. Lorsque les animaux discutent leur condition de vie et leur soif de liberté, on pense à Orwell et à La Ferme des Animaux.

Après avoir attaqué la basse-cour - on assiste ici à une scène hilarante, la costumière Victoria Behr ayant habillé les poules de costumes de plumes jaune fluo, avec des jambes en collants noirs, elles sont perchées en rang, le coq au milieu porte un costume de soirée, chapeau claque et tout, agrémenté d’un corsage lacé, une joyeuse bande de coquets et coquettes de revue en somme, et lorsqu’un œuf solitaire, seul survivant de l’attaque de la Renarde, traverse la scène en se dandinant, c’est l’hilarité générale - après cette scène, donc, la Renarde est condamnée à une vie en laisse et elle s’enfuit. Dans la forêt, elle rencontre le beau renard - élégante, renardesque, douce de voix et de mouvements, Angela Brower - et les deux se marient et ont beaucoup de petits renardeaux. Ils ne vivront pas heureux jusqu’à la fin de leurs jours hélas, car la Renarde sera tuée par le braconnier Haraschta. Éploré, le garde-chasse se promènera dans la forêt un jour, quand une petite renarde sortira de sa tanière pour s’approcher de lui. La vie continue, la boucle est bouclée.

Par ses beaux décors abstraits qui évoquent pourtant des scènes dans la nature, la forêt la nuit, ou sous la pluie, et par ses costumes discrets - tous les animaux portent des pantalons de velours avec des chemisiers dans des tons mauve, orange ou rose pastel - cette production ouvre le chemin à plusieurs lectures de cette œuvre. L’histoire de la Renarde peut être vue comme une histoire de développement, de l’innocence juvénile qui va mûrir dans l’adversité, pour devenir femme et mère. Son interaction avec les humains, et particulièrement le braconnier, peut être lu comme une image de la destructivité des hommes face à la nature. Les seuls objets concrets sur la scène sont les fusils du garde-chasse et du braconnier, et l’on peut les interpréter de la manière freudienne classique, et la Renarde dans sa feminité intrépide comme le symbole de l’obsession des hommes avec la gitane Terynka. Et, bien évidemment, c’est aussi une histoire sur la roue de la vie elle-même. Et ainsi de suite…

La merveilleuse musique de Janáček est toujours inspirée de la musique des mots, et les mouvements de scène et le rythme du jeu suivent à leur tour la musique, tout est organiquement entremêle. Mirga Gražinytė-Tyla conduit l’Orchestre de la Staatsoper avec élégance, subtilité et grâce, guidant l’orchestre et les chanteurs admirables - Wolfgang Koch dans le rôle du garde-chasse, et Lindsay Amman, sa femme, Jonas Hacker, l’instituteur, Martin Snell, le prêtre, Milan Siljanov, le braconnier, Angela Brower, le renard, Elena Tsagallova, la Renarde, pour ne nommer que les personnages-clés - dans cette pièce complexe.

Quand l’esprit et le cœur, la vue et l’ouie, se retrouvent également comblés, nous avons bien assisté à une soirée d’opéra comme il se doit, et ce soir c’était le cas.

Bravi tutti, et merci à tous ceux qui ont rendu ce moment possible!


 

 

 
 
 

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