L’Ape musicale

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Parmi Tolkien et Freud

par Susanne Daumann

Erl, le 8 juillet 2023 - On a beaucoup entendu parler du festival d’Erl au Tyrol ces derniers temps. En mal, il y a quelques années ; en rapport avec un nom plutôt connu plus récemment - suffisamment pour traverser la rivière Inn et aller voir sur place.

Le festival est surtout connu pour ses représentations des grands opéras de Richard Wagner. Cette année il y a donc au programme Siegfried, et Le Crépuscule des Dieux, l’un et l’autre mis en scène par Brigitte Fassbaender et dirigés par Erik Nielsen.

On ne sait pas où donner de la tête, tellement cette œuvre, Siegfried en l’occurence, est riche : on peut la lire comme une critique du capitalisme, ou bien comme une histoire de famille, on peut la lire comme un roman d’initiation, on peut aussi ne rien lire du tout et juste laisser la musique et les symboliques du livret faire leur œuvre.

La salle ayant été conçue originalement pour des jeux de la passion, elle ne dispose pas d’une fosse. L’orchestre est donc situé à l’arrière de la scène, visible mais discret derrière un voile. Des projections vidéo sur ce voile ainsi que sur les parois à droite et à gauche de la scène vont donner de différents aspects à la scène, qui doit par la force des choses se passer de coulisses. La scénographie et les costumes de Kaspar Glarner resteront sobres, intemporels, comme il sied à une œuvre venue d’on ne sait où. Ainsi Siegfried est représenté vêtu sobrement et sans recherche, pantalon noir, T-shirt turquoise et gilet polaire; les nains, Mime et Alberich porteront des combinaisons de travail sales, ils sont forgerons ; Wotan est en revanche fort élégant en deux-pièces et manteau gris, chapeau et longs cheveux argentés, et les dames aussi apparaitront vêtues de grandes robes élégantes.

Cela commence par un rappel des épisodes précédents: dans sa forge, Mime (Peter Marsh) raconte comment il a accueilli Siegfried à la mort de la mère de celui-ci. Siegfried cependant, adolescent rebelle, déclare détester ce père adoptif et vouloir le quitter le plus vite possible. Wotan passe par là et apprend à Mime que seul un être sans peur peut reforger l’épée Nothung, l’unique arme capable de tuer Fafner, le géant devenu dragon qui garde le fameux trésor des Nibelungen que Mime voudrait récupérer. Siegfried revient, et reforge Nothung, sans savoir lde quoi il retourne. Mime décide alors de le laisser faire la sale besogne et de l’empoisonner par la suite.

Pour l’Acte II, nous nous trouvons dans une forêt, où un cagibi fait de palettes et bâches en plastique abrite un clochard, c’est Alberich (Craig Colclough), qui attend l’occasion de pouvoir reprendre le trésor. Wotan retourne et renonce au trésor - il sera une bonne fois pour toutes destiné à Siegfried. Le temps des dieux est passé, dit-il ; un autre anneau semble se fermer ici : Wagner a influencé Tolkien et son Seigneur des Anneaux, et le Wotan de Brigitte Fassbaender et de Kaspar Glarner nous fait penser au Gandalf de Tolkien, avec son bâton et sa façon d’apparaître à l’improviste pour diffuser des nouvelles alarmantes. Et nous restons dans la culture pop avec l’apparition de Fafner, une forme humaine dans une espèce d’armure qui fait penser à Darth Vador et au Terminator, bien que crachant du feu. Dans cette armure se cache la basse Anthony Robin Schneider dont la voix énorme impressionne et fait trembler toute la salle. Au seuil de la mort, Fafner apprend à Siegfried que Mime veut le tuer. S’ensuit une scène freudienne à souhait : Siegfried demande à Mime si ce qu’il a entendu est vrai, et tout en niant, Mime ne peut pas s’empêcher d’avouer la vérité. À la fin, Siegfried décide qu’il en a assez de ce type et le tue aussi. Selon le livret, Siegfried est un tout jeune homme, ses interlocuteurs l’appellent souvent « l’enfant ». Vincent Wolfsteiner, qui l’interprète ce soir, est un homme dans la force de l’âge, doué d’une voix de ténor claire et forte, et on admire la façon dont il ménage ses capacités tout au long de la partie. Par son jeu et son chant il nous convainc : son Siegfried est un être juvénile, un peu naïf et fait de bonté envers ses semblables, la mort de Fafner et celle de Mime sont des accidents de parcours, des actes de légitime défense. En tuant Fafner, Siegfried a mis un peu du sang du dragon sur sa langue - maintenant il peut comprendre le langage des animaux, il comprend ce qui lui dit l’Oiseau de la Forêt. L’Oiseau de la Forêt est une jeune fille en jean déchiré et cheveux teints en rouge (tiens, en fait, on a vu une Barbarina récemment qui portait une tenue semblable…). C’est Anna Nekhames qui tient le rôle avec charme et une voix de soprano ample et forte. Elle est accompagnée par un personnage muet, un deuxième oiseau, habillé en rose et jaune, léger et joueur, qui renforce le caractère enchanteur de la scène entre Siegfried et l’Oiseau. Celui-ci enjoint Siegfried de prendre dans le trésor un casque qui rend invisible et l’anneau du pouvoir (on ne va pas encore mentionner Tolkien ici…) et Siegfried s’exécute. Maintenant nous avons définitivement quitté la critique du capitalisme, le trésor n’a plus d’importance, Alberich peut se servir des seaux entiers de pièces d’or. Siegfried a tué son père et il est prêt à conquérir La Femme. (Comme Tolkien, Freud non plus ne sera plus mentionné désormais.) L’Oiseau lui a révélé l’existence d’une femme qui dort sur une île, entourée d’un mur de feu, en attendant le preux chevalier qui la libèrera.

L’Acte III se passe sur une scène quasiment vide. Wotan arrive et un grand lit où dort Erda, sa compagne (Zanda Švēde), apparait d’en bas. Les deux se rendent compte que l’avenir n’est plus entre leurs mains, et se séparent à jamais. Wotan rencontre alors Siegfried, et veut lui barrer le chemin vers Brünnhilde, Siegfried cependant brise son bâton et passe son chemin. Wotan ( Simon Bailey, magnifique avec sa voix chaleureuse et profonde, tour à tour paternel et sexy, un dieu bien humain) s’en va, vaincu. Siegfried passe par le feu et atteint le rocher où gît une forme plus ou moins humaine. En coupant l’armure de la Walkyrie, il découvre la femme et la réveille doucement. Dans le duo final s’exprime d’abord la peur : celle du jeune homme face à cet être inconnu, celle de la femme - la peur de chaque femme face au potentiel violent de l’acte sexuel, la peur de la guerrière qui se voit privée de ses armes, mais c’est peut-être la même chose - peur qui se transformera finalement en respect et tendresse, communément appelé amour. Christiane Libor est une Brünnhilde magnifique, et ce duo final est un moment magique.

Beaucoup d’applaudissements pour les chanteurs, pour Erik Nielsen et l’Orchester der Festspiele Tirol et ses solistes remarquables qui ont su garder l’intensité musicale et rythmique tout au long - merci pour une soirée d’enchantement. Décidément, le Tyrol a plus à offrir que des vaches et des montagnes!


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